La Bella e la Bestia... La Renaissance à double face

Wolf Starke Dimanche 07 Mars 2021-10:51:05 Chronique et Analyse
La Bella e la Bestia... La Renaissance à double face
La Bella e la Bestia... La Renaissance à double face

Des démons labourent les tempêtes de l’hiver, toujours et encore. De nombreuses semaines durant, certains d’entre eux ont même surchauffé l’Olympe de la plus grande démocratie parlementaire occidentale mettant le Capitole, centre névralgique du pays, en danger par des perturbateurs excités et agressifs… parvenant à neutraliser quelques agents de la Garde Nationale. Me vient à l’esprit une légende du IVe siècle av. J.C. Le Capitole à Rome, centre névralgique de l’Empire et siège céleste de Jupiter, fit l’objet d’une intrusion ciblée. Sur le Mons Capitolium, les gardiens-soldats des trésors de la Cité et du temple sommeillent… et le danger nocturne des troupes gauloises imminent ante portas! Les vigilantes “oies sacrées” de Junon (épouse de Jupiter) veillent au grain et donnent in extremis l’alerte en cacardant à tout va… Rome est sauvée, et aucune oie ne fut sacrifiée, ni leurs descendantes, pour de longs siècles à venir… situation winwin, sauf pour les pauvres toutous qui ayant failli à leur mission, ont perdu l’estime auprès des habitants de Rome !

Et je referme la parenthèse… pour revenir à nos moutons. Dans ce contexte particulier de surchauffe, le discours d’unité de l’investiture du nouveau locataire de la Maison Blanche a calmé un tant soi peu les esprits sur la planète politique... Après les images hallucinantes à la une de tous les médias... faisant le buzz des réseaux sociaux... d’un personnage déguisé en Indien, ou Viking, aux cornes de buffle à l’assaut du Capitole… prenons nos distances, aspirons une grande bouffée d’air frais, ouvrons avec élan le portail et entrons dans le Nouvel An chinois où l’Année du Buffle de métal nous souhaite la bienvenue. Le buffle, animal besogneux, synonyme de force, nous enjoint à faire preuve d’ardeur et de détermination pour mener à terme les projets qui nous tiennent à cœur. L’année du Buffle est aussi symbole de l’agriculture qui semble nous promettre des récoltes abondantes, une nature clémente, des quatre saisons régulières… Équipé d’un magnétisme certain, le buffle n’a pas peur de s’opposer à un adversaire quel qu’il soit... il reste sur ses gardes et mesure ses actions… Empire du Milieu oblige ! Alors avec lui, suivons le cortège, dansons avec le dragon et le lion et savourons les opulents délices des traditions asiatiques ! L’Extrême-Orient nous nourrit depuis des siècles de ses mystères... Ses zodiaques nous incitent à façonner nos espérances ! Avec la Route de la Soie, d’autres perspectives s’ouvrent et agrémentent les horizons, bluffant les esprits des artistes et marchands occidentaux. Un réseau de routes sinueuses qui s’enchevêtrent d’est en ouest et apportent savoirs et finesses culturels ! Je pense qu’une bouffée d’oxygène exotique aux mille facettes est la bienvenue et rencontre une civilisation raffinée et toujours assoiffée de vivre de nouvelles aventures, à la recherche d’autres horizons passionnants.

Sur la Route de la Soie, le grand voyageur vénitien Marco Polo nous décrit son voyage et ses expériences en Asie de 1271 à 1295 dans “Il Milione” (Devisement du monde ou Livre de Marco Polo)... Si lointains et si proches à la fois, les récits détaillés et illustrés de notre explorateur reflètent la vie passionnante et rocambolesque d’un conseiller et ambassadeur durant dix-sept années passées à la cour du fondateur de la première dynastie chinoise d’origine étrangère, la dynastie Yuan avec à sa tête le grand Kublaï Khan, souverain de l’Empire Mongol et petit-fils de Gengis Khan... A ceux qui pensaient que les spaghettis avaient été introduits en Italie par Marco Polo à son retour d’Asie, font fausse route… Par contre, Marco raconte avoir découvert sur les marchés de Hangzhou, des boutiques abondantes de wontons. Ces délicieuses ravioles farcies, ancêtres des tortellinis (sic), étaient présentes sur toutes les tables des auberges, maisons de thé, etc. (cf. Histoire de l’alimentation au XIIIe s.). D’imposantes caravanes de chameaux traversent montagnes, steppes et déserts sur la Route de la Soie reliant l’Extrême-Orient à la Méditerranée. L’échange de produits prestigieux, d’idées et pensées nouvelles sont en route vers l’Occident. Les explorateurs et commerçants ramènent soieries, marchandises de luxe, pierres précieuses et chevaux, des graines de fruits, légumes, fleurs et noyaux d’amandiers. Exception faite, les cocons de soie interdites à l’exportation sous peine de mort... Aux prémices du printemps, les amandiers en fleurs déroulent leurs manteaux blanc et rose pour notre plus grand bonheur. Cette beauté renaissante me fascine et mon imagination vagabonde... vers des époques où les miracles des royaumes inexplorés seraient encore possibles... Telle une fanfare de la Renaissance, le navigateur Christophe Colomb, mandaté par les Rois Catholiques d’Espagne, part à la conquête des Indes, le Nouveau Monde, en traversant l’Atlantique à bord de la Santa Maria.

Le 3 août 1492, il lève les voiles et quitte le port de Palos en Andalousie… Cette aventure s’avère très lucrative pour le Royaume malgré les obstacles rencontrés dans un premier temps. La Reine Isabelle de Castille, convaincue par les éclaircissements du navigateur, donne finalement son feu vert pour libérer une grande partie des fonds monétaires des coffres-forts royaux. La découverte du Nouveau Monde allait avoir une influence géopolitique insoupçonnée. La nouvelle manne en ressources minérales et en or a fait de la flotte navale espagnole un bel acteur dans les rangs des nations maritimes. Ses liens étroits avec l’Église catholique romaine et le clergé ont permis au Royaume espagnol sous le règne de l’Empereur Charles Quint de participer pleinement au Siècle d’Or… Après la Reconquista par sa grandmère Isabelle de Castille, l’Empereur met un point d’honneur à la Renaissance et ordonne en 1527 la construction à Grenade d’un palais monumental aux côtés de l’Alhambra, la bien-aimée. Un symbole fort pour le Royaume d’Espagne dans l’Empire des Habsbourg. Il en confie les travaux à l’architecte espagnol Pedro Machuca, un défenseur passionné de la Renaissance italienne. Le déplacement de l’axe du pouvoir a également eu pour conséquence une forte ingérence de l’Église espagnole au Vatican. La dynastie Borja (nom italianisé en Borgia) de Xativa du royaume de Valencia fait son apparition. Leur blason est un taureau rouge sur fond d’or. Clin d’oeil au culte d’Apis de l’Egypte pharaonique... Cette lignée à la réputation controversée a donné à l’Église pas moins de deux papes, Calixte III (Alfonso de Borja) et son neveu Alexandre VI (Rodrigo Lançol de Borja)... mais aussi un Saint, Francisco de Borja y Trastámara, duc de Gandie, (arrière-petit-fils d’Alexandre VI), né dans le prestigieux Palais ducal de Gandia, épicentre d’un duché acheté par Alexandre VI à Ferdinand II le Catholique en 1485. Des tableaux retracent la vie de Saint François, quatrième duc de Gandia et troisième Général de l’Ordre de Jésus... À Rome, plusieurs lieux rappellent le nom des Borgia. Sur l’actuelle via Cavour, près de la Piazza dei Cinquecento, se dresse un palais à la façade agrémentée d’un petit balcon. “L’édifice est connu comme le petit palais des Borgia. Sur ce balcon s’ouvre une fenêtre en ogive du XVIe siècle, d’aspect très romantique, et à laquelle on peut facilement imaginer que se montre une Juliette ou plutôt une Lucrèce […]. Une légende raconte que Don Juan, deuxième fils de Rodrigo Borgia, sorti du palais pour rejoindre sa maîtresse, sera repêché du Tibre certainement empoisonné sur ordre de son frère César. [...] Selon une autre rumeur populaire, le petit palais aurait appartenu à Vanozza Cattanei, maîtresse en titre du pape Alexandre VI et mère de Don Juan”. (Les Secrets de Rome, Corrado Augias). A l’époque du parcours foudroyant des Borgia, l’Italie se présentait comme une mosaïque de plusieurs principautés et cités. Une rivalité sans limites animait Milanais, Florentins, Romains et Napolitains. Une soif de pouvoir et de richesse, une ambition de faire de leur état le plus brillant, le plus prestigieux. Leur principal trait d’union était la religion catholique et le pape aux alliés puissants, notamment la France et l’Espagne. A leur cour circulaient les plus grands esprits et artistes de l’époque… La production artistique n’a jamais été aussi féconde qu’en cette période du Rinascimento. D’un côté donc l’homme placé au centre de l’univers…

La Renaissance se caractérise par une redécouverte de la littérature, de la philosophie et des sciences de l’Antiquité. La revalorisation de valeurs éthiques par le courant humaniste se reflète dans le développement culturel, intellectuel, moral de l’être humain, dans le respect des autres. L’acquisition des savoirs et des arts pour tous, femmes et hommes sans distinction… Les protagonistes éminents sont les humanistes tel Érasme de Rotterdam, le poète Pétrarque etc… Revers de la médaille, une crise profonde du pouvoir spirituel car les hommes d’Église… les papes en premier… se comportent davantage comme des princes au pouvoir temporel, que comme les représentants du Christ sur terre. On assistait dans toutes les cours et au Vatican à une débauche de luxe et de gaspillage… le népotisme était monnaie courante ! Préoccupé d’accroître fortune et pouvoir, Alexandre VI se servaient de ses enfants, surtout de la belle Lucrezia, comme instruments de stratégies politico-patrimoniales. Grand seigneur de la Renaissance, il observait toutefois ses devoirs religieux !

“Il est plus sûr d’être craint que d’être aimé”, Le Prince (1532). C’est dans cet essai pratique, et non théorique, que Nicolas Machiavel s’adresse au Prince Laurent II de Médicis de Florence. “L’histoire nous montre, si ce n’est que la cruauté, la ruse, la violence et le mensonge l’emportent toujours sur la bonté, la probité et la morale ?” Le penseur florentin ne part donc pas de ce que l’homme devrait être, mais de ce qu’il est et conseille au souverain de savoir s’écarter de la morale quand besoin est, quitte à utiliser la violence. Jusque-là, de Platon à Thomas d’Aquin, politique et morale étaient inséparables, et la politique était pensée comme une morale collective; sa fonction première était de déterminer comment rendre les individus vertueux. Avec Machiavel, le lien entre morale et politique est rompu, celle-ci est désormais affaire de puissance. Et cette dernière n’est plus le moyen de mettre en œuvre un idéal, mais devient une fin en soi ! Tel Alexandre VI, nous sommes bénis par l’âme immortelle de l’immense beauté des œuvres des grands artistes de la Renaissance. Je fais référence à Michelangelo, Leonardo da Vinci, Botticelli, Raffaello, Piero della Francesca, il Perugino, Pinturicchio, Filippo Lippi, Mantegna, Tiziano... Le Paradis Terrestre des amateurs d’art est au Vatican !

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